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ReMue une production du collectif Lèse-Art

 

RE-MUE revue littéraire des lézards en mutation permanente.

 

  N °5

 

Editorial: Patrick Fraselle

 

 

 

 

Le Lézard blanc

Blanc-chiement d’argent pour mangeurs de blanc avec blanc-seing de la communauté des Hommes blancs. Chirurgiens en tabliers blancs. Blanchisseur blanc lave plus blanc que blanc. Battre le blanc des autres en neige. Noël blanc. Faire choux blanc. Tirer à blanc, Blanche-Neige et les sept blan-quettes. Quotas laitiers, arme blanche. Les producteurs de lait ont jeté des milliers de litres de lait dans les champs : ils se sont fait un champ d'encre... Ils ont écrit à l’encre sympathique, celle qui recèle ses mots quand on passe la charrue. La blanche des dealers de vie, bulletin blanc, fer blanc. Mariage blanc. Pertes blanches. Nuit blanche passée avec une oie blanche sans sauce blanche. Viande blanche. Carte blanche, bonnet blanc et blanc bonnet. Cousu de fil blanc, marquer d’une pierre blanche, montrer patte blanche, la semaine du blanc, fromage blanc, blanche colombe. Sucre blanc vidé de son sang roux chauffé à blanc, farine blanche vidée de son épice mordorée. Soja blanc en transe. Manger son pain blanc. Dans ce monde meurtri ainsi que meurtrier toute meurtrissure est blanche ! Poli-chiés aux gants blancs, trop polis pour être au net.

Se faire des cheveux blancs chromatise la destinée.

Page blanche.

Désirant chauffer les esprits à blanc, cet édito-r(i)âle n’est pas cousu de fil blanc, passer du blanc au noir sans être blanc-bleu et, de but en blanc… c’est déloger l’Immaculée Conception, castration séculaire. Magie blanche du bénitier. La vie est dans le démon rouge et jaune des flammes de l’enfer et non dans l’ange aux ailes blanches qui a perdu son sexe en l’air sans pour autant chanter juste de sa petite voix de fausset faussaire. Nous rencontrerons des voies de faux cerfs, aimant la nature de loin mais aux cœurs blancs comme neige.

Il faut chauffer à blanc, sans jamais hisser le drapeau blanc !

Pas encore incarné par sa mue neuve, tapi dans le silence ainsi que la pénombre, le lézard blanc ausculte le fin rai bleu de neige blanche, comme un espoir coincé entre gel et ciel, il dé-masque les poussières d’étoiles fomentant les cristaux de neige, microcosme macro-co(s)mique. Il sait qu’il est sauvé, il va vomir de lui-même et incarner la vie tel un tableau de Breughel le Jeune dit « d’enfer », parce que ses thèmes favoris étaient les incendies ; dans sa période abstraite, pétard pirate à la main, son jeu de cour favori était de bouter le feu à la neige, abstrait lyrique avant la lettre, il faisait vivre l’espace avant que notre lèpre humaine autant que culturelle de ce 21ème siècle, nous porte la mort à petits pas de sourire... Le lézard blanc va vomir de lui-même le spectre des possibles, décomposition des couleurs de la lumière blanche : aubergine, banane, beurre frais, citron, cramoisi, feuille morte, bleu cobalt, terre de Sienne brûlée, tomate, turquoise, saumon, fraise, paille, papaye, orange, lavande, orange, vert forêt. Recelant l’automne il s’est servi de l’hiver pour nous pondre le printemps des poètes.

Le flocon de neige vêtu comme un sapin brillant têtu est à l’instar de l’énergie préhistorique. A l’aube du temps zéro avant le temps où seule la fleur de neige fait une promesse veinée d’intersidéral, l’énergie des énergies est première. Seul un bruit est visible. Ce lézard, zig de lui-même, vient de faire un zag dans la glace et d’émerger de sa tête, les cils cernent de flocons blancs ses yeux jade. Il observe le temps des Hommes en tournant la tête une fois à gauche, une « froid » à droite, puis pense qu’il irait bien se recoucher entre deux lézardes… Regard poly-circulaire à 360 ° nord du pôle, animal archaïque à sang froid, son corps est chaud des torpeurs refroidies de l’automne. Chargé de polychromie il fera renaître la somme des arbres.

Comme une âme sans corps, déambulant de son piano, Debussy a écrit le prélude : « Des pas sur la neige. » Emotion de l’homme invisible de Jacques Brel : « Pourvu que nous vienne un homme et qu’il ne s’agenouille pas devant l’or (blanc) d’un saigneur. » Les traces sont là, cet Homme n’est pas incarné. Il s’est enfuit avec le vent comme le fantôme blanc, récupéré par la spirale des publicités toutes-boîtes. Le Seigneur l’a piégé. Il a maintenant une carte de crédit en poche car son lui-même n’a pas de crédit sur lui-même. La page blanche de l’écrivain, la toile blanche du peintre, les murs blancs de la maison sont à salir avec la vie.  Le blanc avec de simples traces blanches est un désespoir simple. Abstraction minimaliste des peintres sans « non. »Nous avons besoin de fauves, de lézards ainsi que de serpents, de jungle, de fauvisme et de senteurs. De pourritures renaissantes et non de décadences pourries. La page blanche semble pure, on peut aussi y mettre le feu de l’âme, bombe minimum autant qu’essentielle du quotidien. Moi, j’aime la merde qui sent, produit du terroir de l’Homme. Celle qui sent la vie, pas celle à laisser au tiroir. Pas celle inventée par manque de dimension concrète, aseptisée des hôpitaux de l’âme.

Debussy, encore, disait : « Il y a autant d’émotions dans la musique de John Field que dans un bonbon à la neige. ». Je ne connais pas la musique de Field, précurseur de Chopin, mais il y a autant d’émotions que dans un bonbon à la neige de tous ces « artistes » récupérés par le politiquement correct, simples décorateurs de leur propre ego, ils ne sont que des designers pour bureaux d’hommes d’affaires en mal de sensations « fast-food » de l’art bibendum, gonflé de mots sans la chair du corps vivant.

Il y a autant d’émotions dans les artistes du 21ème siècle, aboutissement d’un cycle dégénéré que dans les décérébrés-lofteurs de Star Académy, espérant gloire, fortune et reconnaissance avec pas plus de talent qu’un attrape-mouche pour capturer un éléphant. Croyant, par narcissisme, que leur merde s’évadant de leur corps ne sent pas… La vie doit être propre ! A quand un terreau « produit-blanc » ?

Le blanc libère l’énergie car il contient dans son prisme toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Il n’est pas la pureté il est avant tout figure d’hypocrisie : c’est  l’Immaculée Contraception. Essorer. Tordre. Etendre. Déplier. Crier et sentir. Chier la vie comme les artistes du Bateau-Lavoir, peintres, écrivains qui  lavaient leur linge sale en famille, taché de morve ou de vin rouge. Auteurs de chansons à texte, écrivains, peintres, musiciens, artistes de music-hall, clowns, trapéziste, jongleurs de l’espace-temps, où êtes vous ? Ne vous laisser pas envahir par les lofteurs décérébrés, les slameurs vomissants, les rapeurs aux sonorités ré-pet-titives, aux sclérosés du cerveau qui écoutent de la musique faite à la presse hydraulique en se trémoussant comme le ver de terre à l’hameçon espérant ainsi gagner le gros lo(f)t…

L’éléphant, c’est Jacques Brel, ayant rejoint la jungle parisienne, crevant de faim et dormant sur un banc, la nuit. L’art appartient aux artistes, pas aux hommes d’affaires affairés de flairer le fric faisandé. L’art est la chose la plus puissante qui existe sur cette terre. Seuls, les artistes, leur imagination, leur indignation, leur révolte, leurs messages sertis des humeurs de la chair, car en liens véritables aux émotions humaines (pisse, merde, sueur, peur bleue et non blanche, crachat, toux, morve, larmes, cris) sont capables de sauver le monde et non tous ces pisses-froids, incapables de dessiner un lézard dans la neige avec la pisse tiédie de leurs bites molles, rétractées par le confort petit bourgeois désincarné imitant le château des lofteurs. L’art, cela se chie, cela ne s’achète pas dans un ma-gaga-sin de farces et attrapes… pour les é-gogo-marmelades. Mozart est mort seul, suivi par un chien à son enterrement. Jacques Brel allait vomir d’émotion avant chaque tour de chant. Humeur émotionnelle ; l’art naît des humeurs du corps.

Débarrassé de « sa » pureté le lézard blanc s’est vomi de lui-même et est devenu lézard des murailles, lézard-tatou, lézard à collerette, lézard ocellé, lézard des souches, lézard vivipares, lézard à collier, lézard multicolore, lézard graineux, lézard léopard. Preuve que la vie multiplie les peintres ainsi que les formes. L’art n’a pas besoin de sangsues charismatiques qui multiplient les pains pour se les donner à eux-mêmes. Vivant, il sent des pattes, le lézard. La vie sent des pieds et le nez est notre sens archaïque le plus atrophié…

Entier, il se débarrasse de son costume, quand l’étroitesse des conventions l’empêche de voler… L’homme croit en Dieu parce qu’il ne croit pas assez en lui-même. Par contre, Dieu, lofteur à son époque psychotique, multiplia les poissons en pépins et l’eau en vain ; puis, mégalomane empreint de pensée magique, il a fait publier un article dans Pourri-Match pour faire croire qu’il marchait sur l’eau : c'est Jésus de naze, arrête !

Le lézard blanc à l’œil laser, vomit de lui-même et croit en l’Homme à ressusciter, il ne s’enquiert  pas de Lazare. Bien sûr que le lézard vole, de son propre ‘L’, vous ne le saviez pas ?

 

Yann Normand Memebre du Collectif Lèse-Art

-Le pet dans l'ascenseur-

Peinture de Yann Normand membre du collectif Lèse-Art